Maintenant que la programmation du festival Zone Homa est officiellement dévoilée depuis le 7 juillet, je suis heureux de vous annoncer que le projet qui m’a occupé pendant les derniers mois en fait partie!
Eau courante est une création qui a germé d’un texte de Florence Tétreault. Ensuite, j’ai tissé de la musique à travers ses mots. Zoé Vanier-Schneider assumera le rôle de la narratrice. Je jouerai la partie de guitare, alors que Sarah-Judith Hinse-Paré jouera la violon et Lou Dunand-Vincent, le violoncelle. Je ne peux aller plus loin sans souligner l’apport capital de certaines personnes sans qui le spectacle n’aurait pas le même visage, le même cran, la même puissance. Merci à : Marc-André Dupaul pour les photos, à Natacha Filiatrault pour les chorégraphies et le mouvement, à Camille Savoie-Payeur pour le graphisme et les cartes ainsi qu’à David Strasbourg, le dernier mais non le moindre, pour l’aide à la mise en scène. Je vous lève mon chapeau bien haut et vous salue bien bas.
Beaucoup de gens me demandent ce que c’est exactement comme spectacle. La description la plus rapprochée de ce qu’est ce projet serait un monologue avec musique. Je crois toutefois que c’est quelque peu réducteur de s’en tenir à cette définition.
Ce n’est pas un opéra ni une comédie musicale. Il n’y a pas de chansons, d’airs, de chœurs. Seulement une voix narrative. Ce n’est pas un oratorio non plus, car il y a une mise en scène, des « costumes », et l’actrice incarne bel et bien le personnage du texte.
On se rapproche de notre cible en utilisant, ironiquement, des termes plus vagues comme drame lyrique ou mélodrame, qui esquissent un territoire plus large que celui l’opéra. Eau courante est cependant plus près d’une Histoire du soldat que d’un Pelléas et Mélisande, à la fois en durée et en effectifs.
J’arrête ici la recherche d’un terme tout-englobant pour cette œuvre puisqu’après tout, on s’en balance bien de son appellation scientifique. Le tupperware ne fait pas le chili.
Eau courante porte sur le deuil et ses multiples étapes, du choc à la reconstruction. C’est l’histoire d’un déni.
« Quand tu m’as dit que tu voulais couper les ponts, j’ai pas trop compris. »
Spectacle mardi le 21 juillet 2015 à la Maison de la culture Maisonneuve, 9.00$. Voici la page de l’évènement Facebook. Réservez votre place par téléphone chez Zone Homa, au 514-872-2200.
PETIT GUIDE D’ÉCOUTE
Dans cette création, la musique ne fait pas que remplir les silences, meubler les changements de décor ou soutenir la soprano dans sa bravura. Bref, elle n’est pas composée comme simple musique de scène. Elle fait partie du tissu même du texte, entremêlée entre les paragraphes. Son sens commence où celui du texte s’arrête. Parfois la musique nous dit des choses que le texte ne nous a pas encore dévoilées. Parfois elle commente et développe ce qui vient d’être raconté. Nous voulions éviter absolument tout pléonasme. Nous recherchions une complémentarité entre texte, musique, et jeu, chacun transmettant sa propre lumière.
La clé de cette composition se trouve dans les premières notes de la célèbre chanson de Jacques Brel, Ne me quitte pas. En effet, le motif (petit groupe mélodico-rythmique) de notes répétées et d’un demi-ton (mi-mi-fa-mi-mi) revient constamment dans la partition – presque obsessivement.
C’est un motif simple et versatile, aisément reconnaissable et qui se prête bien à de nombreux déguisements. Portez l’oreille et vous l’entendrez.
Eau courante est l’histoire d’un déni, d’un deuil. Il n’y a qu’une actrice sur scène, et pourtant, cette œuvre contient deux personnages : la narratrice, et l’homme. Il était intéressant pour moi d’associer une idée musicale à chacun d’eux. Pas pour représenter exactement ce qui se passe sur scène en musique (pléonasme!), simplement pour que chaque personnage possède sa sonorité. En cherchant des cellules de notes logiques j’ai réalisé que si elles pouvaient s’imbriquer, se juxtaposer, se fondre ensemble, bref se compléter, je détenais là une manière de se faire interagir les personnages entre eux au niveau purement musical. L’homme, par exemple, quand il apparaît dans le texte, ou quand il est question de lui, est souvent accompagné par ce groupe de notes :Ces notes peuvent apparaître dans n’importe quel ordre. Les intervalles peuvent être inversés. La séquence peut être transposée. Mais ces trois notes, cette sonorité est associé à l’idée de l’homme. La narratrice, en revanche, ou plutôt, la solitude de la narratrice est représentée par l’accord mineur :
Cellule simple de notes, encore une fois, mais reconnaissable. Le jeu entre ces deux sonorités représente la majorité de cette partition.
L’utilisation de la superposition des deux cellules, l’accord de septième majeure, est aussi très importante, car elle a une haute signification musicale et extra-musicale : l’union entre les deux motifs.
Il est facile de débusquer toutes les apparitions de ces trois cellules, ou sonorités dans la partition. Voici une démonstration de toutes les utilisations des motifs dans la première page du Con spirito, après « C’ÉTAIT CHARMANT! » (motif « Ne me quitte pas » en jaune, « de l’homme » en rouge, « de la Narratrice » en bleu, et l’union des deux en vert) :
(Écoutez l’extrait ici)
… et je n’ai pas tout recensé. Nous voyons par cet exemple que ces cellules de notes peuvent être utilisées autant horizontalement (c’est-à-dire mélodiquement) que verticalement (c’est-à-dire sous forme d’accords). Nous voyons aussi que la concentration de motifs s’accentue vers la fin de la page. J’essaie toujours d’emboîter les motifs (faire correspondre la fin de l’un avec le début de l’autre) pour une plus grande fluidité. Cette méthode de composition nous permet de comprendre qu’on peut élaborer longtemps avec des éléments tout simples.
Si vous vous intéressez à la partition, je peux vous l’envoyer en format pdf. Vous n’avez qu’à me remplir un formulaire de contact.